LE VODOU LÈGBA, UN DIEU SINGULIER DE LA GALAXIE VODOU.
Dans l’aire culturelle Adja-Tado qui regroupe le Togo, le
Bénin et une partie du Nigéria, le vodoun (terme traduit de manière
approximative par : esprit surhumain, force, puissance ou divinité) est un
ensemble établi de croyances, de rites, de mythes à la structure particulière,
fondé principalement sur des entités ou fétiches appelées vodoun ou vodou qui
sont organisées en familles, hiérarchisées en panthéon et dont les hommes
essaient de se concilier la puissance ou la bienveillance. Plus qu’une religion, le vodou est un mode de
vie.
Par le biais de l’esclavage, le vodou s’est exporté en
Occident et a donné naissance à des
formes religieuses au Nouveau Monde, connues sous le nom de vaudou à Haïti et
de candomblé au Brésil.
Selon la mythologie la plus répandue dans l’aire culturelle
Adja-Tado, à l’origine du monde actuel, on trouve Mahou ou Mawu à laquelle est,
sous entendu, associée une autre
divinité : Lissa. En ce sens, Mawu désigne une paire de divinités. Mawu est féminin, Lissa, masculin. De ce couple
primordial seraient nés plusieurs
enfants dotés de pouvoirs surnaturels. Les vodou ou tout du moins, une
grande partie d’entre eux, seraient les enfants issus de l’union de Mawu et de
Lissa, le dernier-né de cette nombreuse famille étant Lègba.
Les fétiches ou vodou seraient donc, des médiateurs entre «
Dieu et les hommes ». Pour ces derniers, « ils obtiennent des faveurs », mais
sont également les « exécuteurs des vengeances divines ». Il vaut mieux ne pas
les croiser, car « leur rencontre est danger de mort». Les vodou emprunteraient
une enveloppe Inhumaine pour descendre sur terre et ce, uniquement entre midi
et une heure, et la nuit entre minuit et le chant du coq.
Le panthéon vodou offre une galaxie de près de trois cents
divinités hiérarchisées, mais l’ordre de cette hiérarchie est fortement lié aux
différents lignages. Les principales divinités de cette galaxie sont :
Xêvioso ou chango: c’est une divinité du ciel qui se manifeste
par la foudre. Symbolisé par une double hache, il est le dieu justicier qui
châtie les voleurs, les menteurs, les malfaiteurs.
Sakpata ou chakpana: est le Dieu de la terre, il est très
craint et les gens n’osent pas prononcer son nom. C’est la divinité qui propage
la variole
Dan : c’est le serpent. Il se manifeste à travers l’arc-en-ciel. Il peut aussi se présenter sous forme d’un homme et combler de richesses ceux qui l’accueillent bien.
Gou : c’est la divinité des forgerons, des chasseurs ou de tous ceux qui manipulent le fer ou les armes en fer. C’est un dieu représenté par un amas de ferrailles. Il protège mais il peut punir également par des accidents sanglants.
Lègba ou Elegbara ou Eshu : c’est le Dieu de la croisée des
chemins, le vodou du désordre de la méchanceté, de l’intelligence et de la
ruse. Il remplit des fonctions et des rôles bien souvent contradictoires qui ne
sont pas sans rappeler Hermès.
A ces divinités majeures s’ajoutent les divinités
secondaires.
Chacune de ces divinités a des adeptes initiés qui leurs
font périodiquement les cérémonies rituelles.
Cette année aussi, dans tout le pays, les couvents et les
temples ont été remis à neuf pour la circonstance et les vodounon (maître
vodou) et les vodoussi (adeptes du vaudou) se sont parés pour célébrer leurs
divinités comme ici sur la photo.
Une danse de vodoussi
Toutfois, de toutes
les divinités du panthéon vodou,
manifestement, Lègba est la figure du Vodou la plus familière, mais aussi la
plus singulière.
LEGBA OU AGBO LEGBA :
LE DIEU DE LA CROISEE
DES CHEMINS.
Le vodou Lègba ou Agbo-Lègba se retrouve chez les
populations Ewé, Adja, Mina, Fon, du Bénin et du Togo et chez les populations
yorouba du Bénin et du Nigéria sous le nom d’Elegbara, Eshu-Elegbara, Eshu-Bara
ou encore Eshu. Dans le culte Vaudou haïtien, le dieu Legba est vénéré sous
deux formes contradictoires : la forme d’un enfant rebelle, ou la forme d’un
sage vieillard estropié marchant à l’aide d’une canne.
Le terme Agbo signifie barrière dans le sens d’entrée,
seuil ou portail des maisons, des
quartiers des agglomérations ou des cités. A ce titre, Agbo-Lègba est un
rempart contre les ennemis réels et mystiques de la famille, de la cité ou de
la communauté. Par extension Agbo-Lègba désigne
le Dieu des frontières, du chemin ou
de la croisée des chemins.
La légende de Lègba
D’après la légende, Lègba ou Elegba est le dernier fils de
Mawu et de Lissa.
Mawu, l’être suprême, convoqua les vodoun pour les envoyer
sur terre. Lègba se présenta alors, le premier, sans prendre le temps ni la
politesse d’apporter un présent, vêtu d’une simple plume sur la tête. Aussi
Mawu fâchée le renvoya. Dépité, Lègba descendit sur terre, sans instructions,
sans but véritable. Il erra dans des lieux inconnus, ne sachant que faire.
Comme il connaissait les langues des deux mondes, celui des divinités et celui
des humains, il mit à profit cette errance, en devenant leur messager.
D’autres mythes indiquent que Lègba pourrait être, non pas
le dernier-né, le « favori» de Mawu, mais au
contraire, son premier-né, un enfant malformé qui aurait
précédé longtemps auparavant, le cycle des enfants normaux.
Quoi qu’il soit, sa venue est toujours placée sous le signe
de la ruse, de la rapidité d’esprit, de l’intelligence, du désordre. Il se
présente toujours le premier, volant ou essayant de voler la place des autres.
La représentation de Lègba
Toutefois, Lègba vodou du golfe du Bénin est tout aussi
divers dans ses matérialisations que dans ses attributions.
Les caractéristiques de Lègba.
Agbo Lègba a plusieurs caractéristiques.
– Lègba, vodou du désordre et de la colère. Divinité de la
puissance, de la force qui se déchaînent dans la querelle, la discorde, la
colère, le meurtre, la guerre, le cauchemar, la folie passagère, (et même) les
rêves érotiques»
– Lègba, vodou de la méchanceté. Il ne cherche qu’à nuire aux hommes, et il
faut sans cesse l’apaiser par des sacrifices et des offrandes.
– Lègba, vodou de l’intelligence et de la ruse.
Lègba est souvent présenté comme une sorte de lutin au
comportement à l’équilibre fragile: il peut être très farceur, mais aussi prêt
« aux pires méchancetés », en même temps, il se laisse facilement cajoler, si
on sait s’y prendre, avec des sacrifices, des prières ou des libations, et
surtout de la nourriture.
Les fonctions de Lègba
Ainsi que ses caractéristiques, les fonctions de Lègba sont
multiples.
– Lègba, messager des hommes et des vodou.
Agbo-Lègba est le messager privilégier des hommes et des
vodous car le seul à les comprendre tous, voila pourquoi on ne peut commencer
libation et sacrifice à un grand nombre de vodou sans en offrir les prémices à
Lègba afin d’obtenir son concours comme médiateur ou intercesseur.
– Lègba, gardien de la propriété.
Il est le gardien des propriétés ce qui explique, son
installation devant les maisons et aux carrefours, endroits terriblement
ouverts et dangereux, qu’il a mission de protéger. Il protège la route de tout
danger
– Vodou de la génération
Représenté avec un phallus démesuré, il est le vodou de la
fécondité ou de la reproduction, un vodou de la génération qui serait «
susceptible de donner ou de refuser des enfants» à qui il veut.
La cérémonie de Lègba
Dans le culte vodou, il est admis que toutes choses
heureuses et malheureuses arrivent par la volonté de Lègba avec la permission
des vodou supérieurs. Mais, la seule manière d’éviter cela est de lui accorder
son temps, il faut lui parler, lui donner à manger et à boire abondamment.
Les adeptes du vodou n’entreprennent jamais un long
déplacement sans demander la route à Agbo-Elègba, le vodou du chemin afin
qu’aucun malheur ne survienne en route.
Généralement les cérémonies Vodou commencent toujours par les offrandes à Lègba et son
invocation passe par une louange dont voici le
refrain culte.
Iba l’Agbo é Agbo mojuba !
Iba l’Orisha.
Iba l’Agbo é Agbo mojuba o!
B’omodé korin adjuba Agbo é
Agbo mojuba
F’èlègba eshu ona
Quoi qu’il en soit, Agbo-Lègba est censé apporter
protection, paix et prospérité, mais il
peut également punir. C’est un vodou
dont les caractéristiques multiples et
contradictoires, aussi bien dans son nom, dans ses formes, dans ses attributs
que dans ses fonctions font de lui un vodou singulier.
.Qu’on soit adepte ou non, le vodou reste une réalité
culturelle forte dans laquelle on naît et avec laquelle on vit au Bénin et dans
plusieurs pays du golf du Bénin, malgré la percée des églises du réveil. Le
champ du vaudou reste encore aujourd’hui très vaste, ésotérique et complexe. Et
le mystère est bien entretenu au sein des couvents et forêts sacrées où
l’héritage est légué au fil des générations à travers une tradition orale.